Perte des capitaux propres : la régularisation ne s’impose pas à toutes les sociétés
Pour rappel, la loi 2023-171 du 9 mars 2023 a assoupli la sanction applicable pour les sociétés en cas de perte de plus de la moitié de leur capital social et prévu une nouvelle phase de régularisation. Suite à cela, l’ANSA s’est interrogée sur les sociétés concernées par les nouvelles dispositions. Sa réponse nous donne l’occasion de faire le point sur les différentes étapes de la procédure de reconstitution des capitaux propres.
Perte des capitaux propres : rappel de la nouvelle procédure
Lorsque les capitaux propres d’une SARL, SAS ou SA deviennent inférieurs à la moitié de son capital social, une procédure en plusieurs étapes doit être suivie (c. com. art. L. 223-43, L. 225-248 et sur renvoi L. 227-1).
1re étape pour toutes les sociétés : les associés ou actionnaires doivent se réunir dans les 4 mois de la constatation de la perte à l’effet de statuer sur la dissolution éventuelle de la société (c. com. art. L. 223-43, al. 1 et L. 225-248, al. 1). À défaut d’une telle consultation, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société (c. com. art. L. 223-43, al. 6 et L. 225-248, al. 6).
2ème étape pour les sociétés non dissoutes : si la dissolution n’a pas été prononcée par les associés, la société doit alors régulariser sa situation dans un délai de 2 ans suivant l’exercice au cours duquel la constatation des pertes est intervenue.
Depuis le 11 mars 2023, les sociétés ne risquent plus une dissolution judiciaire si la situation n’a pas été régularisée dans le délai de 2 ans (c. com. art. L. 223-43, al. 2 et L. 225-248, al. 2).
3ème étape pour les sociétés ayant un capital supérieur à certain seuil et toujours en irrégularité : Cette étape concerne les sociétés :
-qui n’ont pas régularisé leur situation à l’issue de la 2ème étape ;
-et qui ont un capital supérieur à un certain seuil. Pour les SARL et les SAS, ce seuil correspond à 1% du total du bilan du dernier exercice clos. Pour les SA, ce seuil correspond à la valeur la plus élevée entre 1% du total du bilan et 37 000 € (c. com. art. R. 223-37 et R. 225-166-1).
Les sociétés, qui remplissent ces deux conditions, disposent d’un nouveau délai de 2 exercices pour réduire leur capital à une valeur inférieure au seuil visé ci-dessus (c. com. art. L. 223-43, al. 4 et L. 225-248, al. 4).
Si la réduction de capital n’a pas eu lieu, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société (c. com. art. L. 223-43, al. 6 et L. 225-248, al. 6).
4ème étape pour les sociétés ayant réduit leur capital et toujours en irrégularité : À la suite de la réduction du capital prévue à la 3ème étape, deux hypothèses peuvent se présenter :
-soit les capitaux propres deviennent supérieurs à la moitié du capital social. La situation de la société est alors régularisée ;
-soit les capitaux propres sont toujours inférieurs à la moitié du capital social. Dans ce cas, si la société procède par la suite à une augmentation de capital, elle devra se remettre en conformité en réduisant son capital à une valeur inférieure au seuil fixé par décret, avant la clôture du 2ème exercice suivant celui au cours duquel a eu lieu cette augmentation (c. com. art. L. 223-43, al. 5 et L. 225-248, al. 5).
Clarifications sur l’application des nouveaux délais de régularisation
Les questions soulevées par l’ANSA. – L’ANSA pose la problématique suivante : une société constate que ses capitaux propres sont inférieurs à la moitié de son capital social. Une assemblée générale décide néanmoins la poursuite de l’activité sociale.
Pour autant, le montant du capital de cette société est inférieur à 1% du total de son bilan. La question s’est posée de savoir si elle doit régulariser sa situation dans le délai de 2 ans suivant l’exercice au cours duquel la constatation des pertes est intervenue (2ème étape) ou si elle bénéficie du nouveau délai de régularisation de 4 ans (3ème étape).
En outre, en l’absence de régularisation, cette société court-elle un risque de dissolution judiciaire, et dans l’affirmative, est-ce au terme du délai de 2 ans ou à l’issue de celui de 4 ans ?
La réponse de l’ANSA. – Selon l’ANSA, le délai supplémentaire de régularisation de 2 ans, soit 4 années au total, est réservé uniquement aux sociétés dont le capital est supérieur au seuil réglementaire.
Dit autrement, pour les sociétés dont le capital est inférieur à 1% du total de leur bilan, le délai de régularisation reste en principe de 2 ans. Toutefois, pour ces sociétés, un rapport parlementaire établi à l’occasion du projet de loi a précisé que les nouvelles dispositions ont pour effet d’écarter la sanction de dissolution judiciaire pour insuffisance de capitaux propres. Il subsiste, pour elles, une simple incitation à reconstituer leurs fonds propres (Rapport AN n° 748, 18 janvier 2023).
À noter. Signalons, en complément de ce commentaire de l’ANSA, qu’une publicité au registre du commerce et des sociétés est requise lorsque l’approbation des comptes d’une SARL, SAS ou SA fait apparaître que les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social (c. com. art. R. 223-36 et R. 225-166). En outre, le président du tribunal de commerce est autorisé à convoquer le dirigeant s’il détecte une insuffisance des capitaux propres de la société (c. com. art. L. 611-2 ; https://www.greffe-tc-paris.fr/procedure/entretien_juge).
Pour aller pour loin :
« Le mémento de la SAS et de la SASU », RF Web 2023-2, § 772
« Le mémento de la SARL et de l’EURL », RF Web 2022-2, § 1304
« Le mémento de la SA non cotée », RF Web 2021-5, § 1469
ANSA, comité juridique du 6 septembre 2023, n° 23-035