Loi Sapin 2 : 10 changements pour les petites entreprises
A l’issue d’un processus législatif qui aura duré près de neuf mois, la mouture finale de la loi Sapin 2, récemment publiée, ne va pas aussi loin que ce qui était prévu initialement. Les parlementaires ont ainsi rejeté le rehaussement des seuils de sortie des régimes de la micro-entreprise (lire notre article). Reste plusieurs dispositions ayant une incidence sur les petites entreprises, qui sont entrées en vigueur le 11 décembre 2016 (sauf mention contraire).
L’option pour le régime réel d’imposition est assouplie, avec une diminution du délai applicable. Une personne éligible au micro-bénéfices industriels et commerciaux (BIC), micro-bénéfices non commerciaux (BNC) ou micro-bénéfices agricoles (BA) optera pour le régime réel pendant un an, avec reconduction tacite chaque année pour un an. Jusqu’à présent, l’option était valable deux ans et reconduite tacitement par période de deux ans. « Cette mesure doit permettre au contribuable de revenir sur son choix plus rapidement s’il s’avère que le régime micro-fiscal lui est plus favorable ou qu’il a mal anticipé les conséquences d’une option pour le régime réel », expliquaient des députés.
Ce changement s’applique aux options exercées ou reconduites tacitement à compter du 1er janvier 2016.
Les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) peuvent désormais bénéficier des régimes micro-fiscaux. Sont visées les SARL dont l’associé unique est « une personne physique dirigeant cette société ». Jusqu’à présent, ces sociétés étaient exclues du bénéfice des régimes micro-BIC ou micro-BNC.
En revanche, la mesure prévoyant l’extension du bénéfice du régime fiscal des micro-BA aux exploitations agricoles à responsabilité limitée dont l’associé unique est une personne physique dirigeant cette exploitation, ne figure pas dans le texte final car considérée comme un cavalier législatif par le Conseil constitutionnel.
Un délai est accordé aux micro-entrepreneurs pour l’ouverture d’un compte bancaire dédié à leur activité professionnelle. Le travailleur indépendant ayant opté pour le régime de la micro-entreprise est tenu de dédier un compte bancaire « à l’exercice de l’ensemble des transactions financières liées à son activité professionnelle », au plus tard 12 mois après la création de son entreprise.
Les entrepreneurs individuels qui se transforment en entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) ne sont plus obligés de faire évaluer par un tiers – l’expert-comptable par exemple – les biens d’une valeur supérieure à 30 000 euros affectés au patrimoine professionnel. Ils peuvent déclarer « soit la valeur nette comptable des éléments constitutifs du patrimoine affecté telle qu’elle figure dans les comptes du dernier exercice clos s’il[s] [sont] tenu[s] à une comptabilité commerciale, soit la valeur d’origine de ces éléments telle qu’elle figure au registre des immobilisations du dernier exercice clos, diminuée des amortissements déjà pratiqués ».
Les artisans sont dispensés de suivre le « stage de préparation à l’installation » lorsqu’ils ont bénéficié d’un « accompagnement à la création d’entreprise d’une durée minimale de 30 heures délivré par un réseau d’aide à la création d’entreprise ». Condition : cet accompagnement doit notamment dispenser une formation à la gestion d’un niveau au moins équivalent à celui du stage. La liste des actions d’accompagnement concernées sera fixée par arrêté ministériel. Il s’agit là d’un nouveau motif de dispense.
Le recours à un commissaire aux apports n’est plus obligatoire pour les constitutions d’EURL et de sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (SASU) réalisées au moyen d’apports en nature. C’est le cas lorsque l’associé unique, exerçant son activité professionnelle en nom propre antérieurement à la constitution de la société (y compris sous le régime de l’EIRL) apporte des éléments qui figuraient dans le bilan de son dernier exercice.
Lorsque l’apport d’un fonds de commerce est effectué au profit d’une « société détenue en totalité par le vendeur », les obligations d’informations relatives au fonds (origine de la propriété, état des privilèges et nantissements, énonciation des chiffres d’affaires des trois derniers exercices comptables, etc.) sont supprimées. Cette disposition a pour objet de faciliter le passage de l’entreprise individuelle à la société unipersonnelle (EURL ou SASU).
Plus globalement, la procédure de cession de fonds de commerce est modifiée au niveau des documents comptables à fournir. Le jour de la cession, le vendeur doit seulement présenter au futur acquéreur « un document présentant les chiffres d’affaires mensuels réalisés par l’entreprise entre la clôture du dernier exercice comptable et le mois précédant celui de la vente ». Auparavant, le vendeur et l’acheteur devaient, en plus, viser « tous les livres de comptabilité » tenus par le vendeur durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente. En revanche, l’acquéreur doit avoir accès aux trois derniers livres de comptabilité, pendant trois ans à compter de l’entrée de l’acquéreur en jouissance du fonds. On passe donc à une simple mise à disposition des livres comptables en question.
Une ordonnance, prise dans un délai de 12 mois à compter de la promulgation de la loi (soit avant le 9 décembre 2017), doit alléger le contenu du rapport de gestion des sociétés qui relèvent de la catégorie des petites entreprises au sens de la directive européenne 2013/34/UE. A savoir les entreprises qui, à la clôture du dernier exercice, ne dépassent pas deux des trois seuils suivants : total du bilan de 4 millions d’euros, chiffre d’affaires net de 8 millions d’euros et effectif moyen de 50 salariés.
Une autre mesure d’habilitation du gouvernement à prendre une ordonnance (dans les mêmes délais) concerne les conventions règlementées conclues entre une SASU et son associé unique (ou une société le contrôlant). Elles devraient seulement être mentionnées sur le registre des décisions, et ne plus donner lieu à l’établissement d’un rapport du commissaire aux comptes, à l’instar des conventions conclues entre une SASU et son président.
Cette nouveauté n’est pas spécifique aux petites entreprises. La loi Sapin 2 augmente le plafond des amendes administratives encourues par une personne morale en cas de non-respect des délais de paiement dans le cadre d’une vente d’un produit ou d’une prestation de services pour une activité professionnelle, de 375 000 à 2 millions d’euros. Cette disposition, soumise à la saisine du Conseil constitutionnel, a été jugée conforme à la Constitution par les Sages. Par ailleurs, cette décision est systématiquement rendue publique.