Le secret professionnel pour faire annuler un redressement ?
Un gérant fait l’objet d’un contrôle fiscal, à l’issue duquel le fisc lui notifie un rappel d’impôt sur le revenu. Pour fonder son redressement, il a notamment pris connaissance et utilisé une correspondance provenant de son avocat. Une atteinte au secret professionnel ?
Les faits
Le gérant et associé unique d’une EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) a constitué cette société par apport d’actions détenues dans une autre société. Cette constitution a donné lieu à une plus-value d’échange placée sous un régime de report d’imposition. Trois ans plus tard, il a procédé à une réduction de capital.
Le fisc a estimé que cette réduction de capital mettait fin au report d’imposition de la plus-value d’échange et a procédé aux rectifications qui en résultaient à titre personnel pour le gérant.
Le gérant va contester ce redressement, après avoir constaté que le vérificateur a consulté, pour les besoins de son contrôle, un certain nombre de documents, parmi lesquels figurait une consultation juridique adressée par son avocat au siège de la société. Et il a utilisé cette consultation, couverte à ses yeux par le secret professionnel, pour fonder son redressement. Il réclame donc l’annulation du contrôle.
La position du juge
Le juge relève, en effet, que cette consultation juridique, sur laquelle s’est appuyé le vérificateur pour fonder les rappels d’impôt, détaillait les conséquences, pour le gérant, sur ses revenus personnels, de l’opération envisagée de réduction du capital de l’EURL, notamment en ce qui concerne la déchéance du sursis d’imposition d’une fraction de la plus-value d’apport dont il avait bénéficié lors de la constitution de cette société.
Le juge constate que la consultation juridique adressée par l’avocat du gérant au siège de la société, à l’attention personnelle de ce dernier, comportait la mention « personnel et confidentiel ». Il relève, en outre, que le gérant a immédiatement refusé toute prise de copie de la consultation juridique par le vérificateur, laquelle n’a plus été présentée lors de la suite des opérations de contrôle.
Le juge considère que ces circonstances, qui démontrent l’absence d’accord préalable du contribuable à la remise du document en cause, interdisent donc à l’administration fiscale d’utiliser les informations protégées qu’il contient pour le calcul des impositions contestées (CE 12.12.2018 n° 414088) .
Ce qu’il faut en retenir
Un principe. Comme le précise la loi de 1971, en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères (à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle »), les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel.
Des conséquences. Comme le rappelle le juge dans cette affaire, l’ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client, et notamment les consultations juridiques rédigées par l’avocat à son intention, sont couvertes par le secret professionnel. Toutefois, la confidentialité des correspondances entre l’avocat et son client ne s’impose qu’à l’avocat ; le client, n’étant pas tenu au secret professionnel, peut décider de lever ce secret, sans y être contraint.
Donc. Le fisc ne peut prendre connaissance du contenu d’une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat, sans que cela n’affecte la régularité d’un contrôle, que si le client a préalablement donné son accord en ce sens. À défaut, la procédure est viciée.